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PER, un produit d'optimisation fiscale ?

Conçu pour inciter les Français à épargner en prévision de la retraite, le PER séduit aussi les contribuables dont le taux marginal d’imposition est de 30 % ou plus, grâce à son mécanisme de défiscalisation à l’entrée. Toutefois, l’épargne est bloquée jusqu’à la retraite – sauf en cas d’accidents de la vie ou d’achat de la résidence principale – et à moins de ne plus être imposable à la fin de la vie active, une partie de l’avantage fiscal est récupérée à la sortie du PER. Comme tout produit financier, l’argent versé sur un PER est placé sur différents supports plus ou moins risqués, qu’il convient de bien analyser en amont.

Créé par la loi Pacte et lancé en octobre 2019, le plan d’épargne retraite (PER) a remplacé les anciens produits d’épargne retraite, individuels et collectifs. Conçu pour inciter les Français à épargner en prévision de la retraite, le PER peut aussi être considéré comme un produit “multi-objectifs”, ainsi que le souligne Nicolas Fleuriot, directeur du développement et du marketing à l’UMR, une société à mission spécialisée dans l’épargne retraite. “Pourquoi ouvre-t-on un PER aujourd’hui ? En premier lieu pour préparer sa retraite, mais aussi pour investir, développer son épargne, la diversifier, optimiser sa fiscalité, et même contribuer à la transmission et protéger ses proches avec le déblocage anticipé en cas de coups durs”, détaille-t-il.

Fiscalité avantageuse
En matière de fiscalité, le PER est tout particulièrement intéressant pour les personnes dont la tranche marginale d’imposition (TMI) est élevée. “Les cotisations versées sur un PER sont déductibles des revenus imposables du foyer et viennent par conséquent diminuer l’impôt sur le revenu”, explique Laurence Fonteneau, responsable des partenariats à la mutuelle Médicis, spécialisée dans la retraite complémentaire des indépendants et entrepreneurs. “Prenons un exemple simplifié : si un célibataire avec un revenu net imposable de 70 000 euros et un TMI de 30 % verse 7 000 euros sur un PER, il fera une économie d’impôts de 2 100 euros, soit 30 % de 7 000 euros”, détaille-t-elle.

Les travailleurs non-salariés (indépendants, commerçants, artisans, chefs d’entreprise…) “bénéficient d’une enveloppe de déduction plus importante car ils peuvent déduire à la fois à titre personnel (impôt sur le revenu) et à titre professionnel (impôt sur les sociétés)”, ajoute celle-ci.

En 2023, le plafond de la déduction fiscale liée au PER est de 32 908 euros pour les salariés et de 81 384 euros pour les travailleurs non salariés. “Dans certains cas, ce plafond peut être augmenté par les montants non versés au cours des trois années précédentes, et il est possible de mutualiser son plafond avec celui de son conjoint ou partenaire de PACS. C’est un peu complexe, mais on peut trouver facilement les montants précalculés à la fin de l’avis d’imposition”, indique Myriam Souveton, directrice marketing, digitalisation et innovation de la Carac, une mutuelle d’épargne, de retraite et de prévoyance.

“Dans le cas d’une sortie en rente, celle-ci est imposable à l’impôt sur le revenu. Lors d’une sortie en capital, seules les plus-values sont imposées”

“Ce mécanisme de défiscalisation à l’entrée est suivi d’une refiscalisation à la sortie. C’est un élément clé qu’il faut bien comprendre lors de la souscription à un PER”, souligne Olivier Sentis, directeur général de la MIF, une mutuelle d’épargne spécialisée dans les produits d’assurance-vie et de prévoyance. En effet, à moins de ne pas être imposable à la retraite, les sommes seront imposées à la sortie, selon des modalités différentes en fonction du choix final (rente ou capital). Cela reste avantageux si le taux d’imposition est plus faible à la retraite que durant la vie active.

Il faut noter que “les épargnants n’ayant pas opté pour la déduction fiscale à l’entrée auront une fiscalité plus douce à la sortie”, précise Nicolas Fleuriot. Dans le cas d’une sortie en rente, celle-ci est alors imposable à l’impôt sur le revenu selon les règles applicables aux rentes viagères à titre onéreux c’est-à-dire que la rente n’est pas taxée en totalité et la partie soumise à l’impôt l’est en fonction de l’âge. Dans le cas d’une sortie en capital, seules les plus-values sont imposées (prélèvement forfaitaire unique de 30 %), le capital ne l’étant pas.


“Effet tunnel”
Malgré tous ces avantages, plusieurs inconvénients sont cités par les professionnels du secteur, notamment “l’effet tunnel” : l’épargne est bloquée jusqu’à la retraite. “Le PER est une réponse à un projet retraite et il a été construit dans cette optique, en limitant les possibilités de disposer de son épargne avant l’heure. Néanmoins, le PER répond à l’objectif d’un placement de long terme”, insiste Myriam Souveton. “L’avantage fiscal offert à l’entrée demande une contrepartie qui est de ne pas toucher à son épargne avant le dénouement, c’est-à-dire la retraite. Il existe bien sûr des cas de sortie anticipée pour lesquels il est possible de récupérer son épargne en cas d’accident de la vie (décès du conjoint, invalidité, cessation d’une activité non salariée, fin des droits de chômage ou surendettement)”, précise Laurence Fonteneau.

Il existe une sixième possibilité de déblocage : l’acquisition de la résidence principale. Dans ce cas précis, “les sommes sont refiscalisées”, prévient Olivier Sentis. “Le PER est une épargne semi-bloquée, ce qui n’est pas forcément un inconvénient, opine Nicolas Fleuriot. Cela vient renforcer la discipline personnelle d’épargne, d’autant plus que les sommes seront disponibles dans les cas d’accidents de la vie définis par la loi.” Dans ces cas, la fiscalité est relativement avantageuse. Les versements réalisés sont exonérés d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, tandis que les intérêts produits donnent seulement lieu au paiement de prélèvements sociaux (17,2 %).


Risque de perte en capital
Deux autres inconvénients sont généralement mentionnés à propos du PER : les frais, qui peuvent amputer la performance, et le risque de perte en capital. “Il faut être attentif aux frais sur encours, qui peuvent grignoter une grande partie des bénéfices, recommande Olivier Sentis. Les frais d’un PER ne devraient pas être supérieurs à ceux d’un contrat d’assurance-vie puisque ce sont deux produits assez similaires.” Comme pour l’assurance-vie, l’argent versé sur un PER est placé sur différents supports, plus ou moins risqués (fonds en euros, unités de compte…). “Comme tous les produits financiers, il existe un risque de perte en capital qui dépend des marchés financiers et de l’appétence au risque de l’épargnant”, souligne Laurence Fonteneau.

“Comme tous les produits financiers, il existe un risque de perte en capital qui dépend des marchés financiers et de l’appétence au risque de l’épargnant”

C’est pourquoi “souscrire à un PER demande de l’accompagnement”, insiste la responsable des partenariats chez Médicis. “Le PER est un très bon produit pour préparer sa retraite, pour défiscaliser et/ou pour transmettre mais il est important de bien comprendre ce à quoi on souscrit pour en percevoir le meilleur. Selon les besoins (argent disponible, horizon de court ou moyen terme, etc.), d’autres solutions peuvent être plus pertinentes. Comme nous avons un médecin et un notaire, nous devrions avoir un conseiller retraite pour nous aider à faire les bons choix et les adapter à notre situation et nos besoins”, développe-t-elle. Le PER “est indispensable à la préparation de la retraite pour tous, ce qui ne veut pas dire exclusif”, conclut de son côté Nicolas Fleuriot. “L’immobilier et l’assurance-vie ont également leur place dans l’optique de la retraite. Il ne s’agit pas d’opposer tous ces produits mais plutôt de s’appuyer sur les spécificités de chacun pour jouer sur leur complémentarité en fonction du profil de l’épargnant et de son évolution, le tout dans une logique de diversification.”



Une sortie en capital facilitée pour les petites rentes
Alors que l’inflation fragilise le rendement réel des rentes des PER, le ministère de l’Économie et des Finances a publié mi-juillet un arrêté modifiant le dispositif qui permet à un assureur de verser un capital en substitution d’une rente d’un montant inférieur à 100 euros par mois. Concrètement, l’arrêté revalorise le seuil minimal de rachat des rentes à 110 euros et “renforce la protection des épargnants en imposant, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les nouveaux plans d’épargne retraite (PER), le libre consentement du bénéficiaire de la rente avant de procéder au rachat”, précise le communiqué du ministère de l’Économie et des Finances. Auparavant, un assureur pouvait verser un capital en substitution d’une rente d’un faible montant sans avoir à recueillir le consentement du bénéficiaire pour les contrats d’épargne retraite antérieurs au nouveau PER (contrat Madelin, plan d’épargne retraite populaire, etc.).

“Cette réforme permettra de mieux protéger l’épargne des retraités disposant d’une petite rente au titre de leur plan d’épargne retraite. Elle protégera le fruit de leur travail et renforcera leur liberté de choix entre sortie en capital ou en rente”, a commenté le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, cité dans le communiqué. Cette mesure a “pour avantage d’offrir plus de liberté de choix entre la sortie en capital ou en rente et d’augmenter le pouvoir d’achat avec une sortie en capital si la rente mensuelle est inférieure à 110 euros”, estime Laurence Fonteneau, responsable des partenariats chez Médicis. “Il faut cependant bien réfléchir car, même si la sortie en capital peut paraître plus attrayante et permet de pallier des besoins financiers à court et moyen termes, un capital se dépense très vite, en 12-15 ans en moyenne. Or compte tenu de l’espérance de vie élevée en France, la rente à vie semble plus adaptée à des besoins financiers sur du long terme”, juge-t-elle.

Le PER, un outil de transmission
Le PER peut-il servir à préparer sa transmission ? “La réponse à cette question devrait être négative, le but premier du PER étant de préparer la retraite”, rappelle Olivier Sentis, directeur général de la MIF. “Pourtant, si cette épargne n’est pas consommée en tant que complément de retraite, elle aura un traitement fiscal intéressant, ce qui peut faire du PER un outil de transmission”, souligne-t-il. En effet, si le décès survient avant 70 ans, les sommes versées bénéficient du cadre fiscal de l’assurance-vie, c’est-à-dire d’un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire. “En cas de décès après 70 ans, c’est aussi le régime de l’assurance-vie qui s’applique mais d’une façon un peu différente, soit un abattement de 30 500 euros tous contrats confondus, le solde étant soumis aux droits de succession”, ajoute Olivier Sentis.

Ces modalités sont valables pour les enfants et les petits-enfants, les conjoints mariés ou pacsés n’ayant aucun droit de succession à payer. “Le PER est un excellent produit pour transmettre à son conjoint, juge ainsi Laurence Fonteneau, responsable des partenariats chez Médicis. Si une personne est en couple et qu’elle souhaite à la fois préparer sa retraite et protéger son conjoint, rien n’empêche les deux parties d’ouvrir deux PER chacun, un pour avoir un complément de revenu à la retraite et l’autre qu’ils ne liquident pas et dont le capital ira au conjoint bénéficiaire en cas de décès”, conseille-t-elle. Myriam Souveton, directrice marketing, digitalisation et innovation à la Carac, pointe un dernier cas d’utilisation du PER comme outil de transmission de patrimoine : “il est possible d’ouvrir un PER individuel pour son enfant, qui pourra en temps voulu débloquer les sommes pour l’acquisition de sa résidence principale”. Pour les parents, cette situation présente plusieurs avantages : “ils déduisent les cotisations de leur revenu imposable tant que l’enfant fait partie du foyer fiscal ; ils sont tranquilles car leur enfant, même majeur, ne peut pas piocher dans cette épargne. Enfin, ils contribuent à l’aider pour l’achat de son futur logement”, souligne Laurence Fonteneau.

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